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Créé le mercredi 30 octobre 2013 11:51
Petit garçon, comme beaucoup d’autres, je regardais à la télévision les aventures extraordinaires d’Esteban, Tao et Zia à la recherche des cités d’or. La civilisation aztèque, les incas, les temples mayas et le lac titicaca agrémentaient durant mes longues rêveries les paysages plus austères de la région parisienne. Parmi les noms pétris d’exotisme, le « Machu Picchu » occupait une place à part. Le nom semblait sortir d’une flute de pan et la célèbre photo de ce temple imposant perché sur son nid d’aigle inaccessible baigné par de longues nappes de nuages m’émeut toujours autant.
Il y a quelques années, découvrant patiemment l’Ariège et ses secrets, j’entendais pour la première fois l’expression insolite de « Machu Picchu ariégeois ». Que venait donc faire le grand condor dans nos contrées pyrénéennes ? Encore une de ces expressions baroques dont les boites de com des grandes villes ont le secret ? Suisse normande, petite Venise de Colmar, Québec ariégeois... Doutant que d’anciennes mines puissent me ravir autant que mon souvenir doré d’enfant, je laissais sommeiller en moi encore quelque temps l’idée de cheminer vers les vestiges industriels de la Mail de Bulard.
Une fois de plus, j’avais tort ! C’est en parcourant le rayon « Montagne » de la libraire Surre à Foix que je tombais sur le livre « la Mine de Bulard » de Claude Taranne, le gérant du gîte d’étape d’Eylie. Des photos d’époque ou d’aujourd’hui, des textes poignants sur la vie douloureuse de ces mineurs de l’extrême, les luttes syndicales, les Espagnols et leurs espadrilles, les Français et leurs sabots, la beauté glaciale de cette face nord et de son névé permanent… Il fallait se rendre compte sur place de ce site unique appelé après une succession d’accidents tragiques « la mangeuse d’hommes » !
J’ai de la chance. Mon fameux « Kloub Rando » est composé d’aventuriers des temps modernes qui me laissent décider de la couleur de certains de leurs week-ends. Hop, tout le monde dans le minibus, zou, direction le Biros et tadam, nous voici récupérant le GR10 et furetant de gauche et de droite à la recherche de quelques bouchons délicieux. Samedi dernier, le vent souffle déjà fort lorsque nous parvenons sur la crête qui mène au col de l’Arech. La progression est ralentie et la respiration rendue délicate dès que nous le prenons de face. Malgré tout, le groupe marche bien et nous atteignons les anciens pylônes du téléphérique peu avant midi. Quelques jours plus tôt, j’étais déjà venu dans le coin par une journée froide et pluvieuse, pour me rendre compte de l’ambiance du lieu. Les hauts sommets du Couserans étaient recouverts d’une pellicule de neige et j’avais fait demi-tour sur le « pont de pierre » naturel devenu patinoire qui donne accès à la crête nord menant au sommet. Un but. Humilité.
A l’approche du sentier menant aux bâtiments perchés de la mine de Bulard, le vent se renforce encore. Il tourbillonne en sud est, rendant notre avancée pénible. Les esprits des anciens seraient-ils contre nous ? Une malédiction inca me frapperait-elle, m’empêchant d’atteindre notre Machu Picchu ariegeois ? Il devient réellement dangereux de poursuivre vers les vestiges des mines. Je laisse le groupe quelques instants accroupis derrière un petit relief et emprunte le sentier pourtant relativement large qui mène vers le névé permanent et les ruines. Aucun répit. Le vent s’engouffre partout et me fait renoncer. Car il faut encore redescendre de notre perchoir venté pour nous mettre à l’abri…
Quelques minutes plus tard, nous sommes finalement suffisamment bas, dans la pale qui ramène à l’Arech, au milieu des myrtillers rougis par le froid automnal et protégés de la tempête pour goûter un pique-nique bien mérité. Seul le « brushing » de mon chien rappelle la violence des rafales de vent. Yann nous gratifie d’un bon petit Minervois de sa réserve personnelle et la douceur de vivre nous rattrape à nouveau. L’épreuve du vent a un peu plus renforcé notre groupe, qui se bonifie patiemment à chacune de nos sorties. Aucun regret sur leurs visages, juste le plaisir d’être là, allongés face aux vallées entourant Castillon. Nous suivrons les sentes buissonnières pour retrouver la piste ramenant au minibus : crêtes acérées, grand versant, belle hêtraie, toute la palette montagnarde nous laissera un grand sourire au moment de nous quitter. Certains que d’autres « Machu Picchu » nous rassembleront très bientôt.