C’est en faisant d’étranges vrilles
Que les cueilleurs du canton
Recherchaient ces sacrées morilles
Concentrés, baissant le menton
A plusieurs ou bien solitaires,
Lorgnant tous un endroit précis
Que rigoureusement mon père
M’a défendu de nommer ici…
Gare aux morilles !
Oui, je sais ce que vous vous dites, ce plagiat parodique est bien saugrenu. Il n’empêche, pour connaître quelques aficionados de la Morchella vulgaris ou esculenta, voire rotunda, la période de l’année que nous vivons est particulièrement enthousiasmante ! Et le retour du soleil ces derniers jours après ces mois de pluie et de neige ne fait qu’accroitre cette tension palpable qui relègue l’affaire Cahuzac et la disparition de la dame de Fer enfouis dans les tréfonds de l’hypothalamus du chasseur de morilles.
Samedi dernier, alors que l’Homme sage observait une nouvelle fois tomber la neige ou la pluie confortablement installé dans son fauteuil devant sa cheminée, j’encadrais un groupe d’habitués de Toulouse dans le Vicdessos. Il s’agissait de la première randonnée « champêtre » de l’année et nous progressions sous une neige fine et délicate en direction du village d’Orus. Malgré cette météo quelque peu déprimante et des températures grelottantes, l’ambiance était bonne enfant. Du coin de l’œil, je pistais le regard de mon collègue dès que nous passions devant un frêne et ne pouvais résister longtemps à lancer LE sujet dans la conversation. Au son du mot « morille », ce dernier leva la tête, huma l’air et fronça les sourcils. Je lui proposais de réaliser un petit exposé sur ce champignon aussi laid que délicieux durant la première pause de notre sortie.
Brillamment, il relatait les différentes variétés de cette famille complexe et les lieux où les débusquer : « il faut laisser l’œil s’habituer à la morille car cette dernière est particulièrement discrète dans son environnement. Là où il y a des Pézizes, on peut regarder de plus près car les deux familles aiment les mêmes lieux. La morille pousse en nappe, ce qui permet souvent d’en trouver plusieurs dans un petit périmètre. Et attention, la giromytre comestible, contrairement à son nom, est mortelle et ressemble beaucoup à la morille vulgaire ! ».
Alors qu’il terminait son propos sur les façons de conserver ou de consommer le précieux sésame, les participants remettaient en place leurs sacs à dos. Et là, un petit miracle se produisit. Mon regard trainait sur le dernier sac encore au sol lorsque je l’aperçus. Elle était là, bien sagement installée à proximité du cabas, écoutant attentivement les dernières paroles du professeur es-morilles. « Stop ! » criais-je certainement un peu fort. Surpris, tous se tournèrent vers moi alors que je créais un périmètre de sécurité de mes longs bras autour de la zone habitée.
Fébrilement, nous observons les alentours à la recherche des frères, des sœurs, cousins et amis de notre première trouvaille. Quelques minutes plus tard, la poche plastique bien remplie et les sourires de rigueur, nous retrouvons un peu plus léger les rudes lacets menant au village. Passant Orus en direction de Sentenac sur le chemin des Nobits (le chemin des amoureux, rien à voir avec les personnages du célèbre roman de Tolkien…), de nouveaux congénères venaient grossir les rangs des coiffées dans le panier improvisé. Nous pouvions rentrés sereins de ce samedi annoncé fâcheux et finalement parfaitement agréable par cette cueillette et l’observation des premiers coucous et autres muscaris ornant les sentiers multi centenaires façonnés par les hommes et le temps et malmenés cet hiver par la neige.
Au fait, j’y pense… Que sont devenues les précieuses perles d’humus ?... J’imagine mon collègue les ranger délicatement les unes à côté des autres pour les faire sécher dans les meilleures conditions et en profiter toute l’année. Où ça ? Dans un lieu tenu secret, car gare aux morilles !!